Comment croyez-vous que le Dr Ingram répondra à la question de Carla? En tant que médecins, nous avons été formés afin d’être en contrôle et de connaître les réponses et nous sommes mal à l’aise face à l’incertitude, à l’ambiguïté et au manque de connaissances. C’est peut-être pourquoi le Dr Ingram se concentre sur des questions concrètes (p. ex. médicaments, liste des interventions chirurgicales); il est à l’aise avec ces éléments. Carla lui a fourni beaucoup de renseignements sur elle-même, renseignements que lui-même a tenté d’éviter. Avez-vous déjà vécu une situation semblable dans votre pratique?
Nous ne voulons peut être pas l’admettre, mais les médecins ont des sentiments et des croyances qui peuvent avoir une incidence négative sur leurs comportements à l’égard des patients. Le Dr Ingram a peut être été élevé dans un milieu homophobe. Il est peut-être confus au sujet de sa propre sexualité. Nous ne le savons pas.
Quel que soit le cas, nos lignes directrices professionnelles exigent que nous soyons conscients de nos émotions et de la façon dont elles peuvent influer, sans que nous en soyons conscients, sur les soins que nous offrons à un patient.
Ainsi, qu’est-ce que le Dr Ingram devrait dire? En tant que professionnels, les médecins doivent être honnêtes au sujet de ce qu’ils savent et de ce qu’ils ne savent pas. Affirmer autre chose reviendrait à mentir. En plus d’être contraire à l’éthique, le mensonge détruit la confiance entre le médecin et son patient. Dans la plupart des cas, les patients ne s’attendent pas à ce que les médecins sachent tout.
Par conséquent, le Dr Ingram dit : « Non, je n’ai jamais eu de patient transgenre auparavant. »
Après avoir admis son ignorance au sujet de la santé des transgenres, comment le Dr Ingram devrait-il répondre à la demande de soins de Carla?
- « Je ne peux pas vous aider. Vous devez consulter quelqu’un d’autre. »
- « Je n’en sais pas trop sur ce sujet, mais je ferai des recherches et parlerai avec des experts. »
- « J’aurais besoin de votre dossier médical complet avant de pouvoir faire quoi que ce soit. »
Un médecin pourrait ne pas être à l’aise avec chacune de ces réponses. Il se pourrait qu’un médecin se sente mal à l’aise auprès d’un patient. Les médecins doivent être conscients de leur inconfort et reconnaître qu’il pourrait avoir une incidence négative sur les décisions qu’ils prennent.
Est-ce qu’un médecin peut, sur le plan éthique, refuser de traiter un patient après l’avoir rencontré une fois? Le médecin a la responsabilité fiduciaire de prodiguer des soins au patient et ne peut refuser d’offrir des soins en raison de ses opinions.
S’il refuse d’offrir des soins parce qu’il manque d’expérience et d’expertise, les solutions suivantes peuvent être envisagées :
- Apprentissage autonome. « Je ferai des recherches. »
- Consultation pour obtenir de l’aide sur la façon de prodiguer les soins. « Je parlerai avec des experts. » Le module sur la communication avec les adolescents aborde ce processus en détail.
- Consultation et demande de transfert des soins.
- Il est nécessaire de demander les dossiers antérieurs, mais cela ne devrait pas retarder indûment les soins prodigués au patient.
Les médecins peuvent consulter un certain nombre de ressources afin de devenir éduqués et informés et d’être en mesure de prodiguer adéquatement des soins de santé aux personnes transgenres. Parmi les sources, mentionnons la série sur la santé des transgenres publiée dans The Lancet. On peut également lire l’article suivant : « Serving transgender people: clinical care considerations and service delivery models in transgender health ».
Dans certaines situations, des médecins pourraient considérer qu’ils sont incapables de prodiguer des soins à des patients en raison de valeurs morales ou éthiques incompatibles. Les ordres des médecins et les tribunaux ont indiqué clairement que le fait de refuser de soigner des patients « en raison, notamment, de son âge, son sexe, son état civil, son état de santé, son origine nationale ou ethnique, son incapacité physique ou mentale, son affiliation politique, sa race, sa religion, son orientation sexuelle ou sa situation socioéconomique » constitue de la discrimination. (L’Association canadienne de protection médicale). On encourage les médecins à passer en revue les politiques de l’ACPM. Dans de tels cas, le médecin doit offrir les soins nécessaires ou aiguiller le patient vers un autre médecin.
Il existe seulement un nombre limité de situations dans lesquelles la décision d’un médecin de ne pas fournir de soins en raison de ses croyances culturelles, religieuses, morales ou personnelles peut être justifiée, comme un avortement ou l’aide médicale à mourir. Pour de telles situations, les « Collèges ont adopté des lignes directrices […] qui précisent généralement que les médecins […] doivent fournir [aux patients] suffisamment de renseignements et de ressources pour leur permettre de faire un choix éclairé et d’avoir accès à d’autres options de soins ou, encore, les diriger efficacement vers un autre médecin ou d’autres ressources. » (L’Association canadienne de protection médicale).