Kathy rencontre la Dre Nyrit une deuxième fois, un mois plus tard. La médecin a réfléchi à son expérience précédente des consultations dans la réserve et à la façon dont elle devrait procéder (voir « l’exercice de réflexion nº 2 » ci-dessous). Kathy a parlé à son cousin Sandy de sa rencontre avec la médecin.
Modules
Santé des Autochtones
Partie n° 2
« Je déteste la salade. J’enlève les feuilles de laitue de mes hamburgers tellement je déteste ça. Je mange parfois de la salade, mais vous ne me verrez jamais en manger quatre fois par jour. Du pain, ça, j’en mangerais tous les jours. Ou de la mélasse. J’aime bien manger des choses grasses, par exemple du pain maison et un peu de sucre, du sucre brun. » (B. Roy et K. Fecteau, 2005)
Problèmes sociaux et diabète
Pourquoi le diabète est‑il si courant chez les Autochtones? Sandy parle des deux théories les plus fréquemment mentionnées : la prédisposition génétique et le changement du mode de vie. Changer de mode de vie, cela suppose davantage que de changer de régime et faire de l’exercice, même si ces deux changements ont certainement un rôle à jouer. Des données probantes nombreuses et convaincantes laissent entendre que les problèmes sociaux sont une composante importante. En général, cette expression désigne ce qui a été perdu : l’identité culturelle, la langue ancestrale, le territoire, un travail significatif, le respect, l’espoir. On pense que ces pertes causent un stress chronique qui entraîne des anomalies métaboliques, lesquelles se traduisent par l’hyperglycémie. La relation établie entre les déterminants sociaux de la santé et les troubles physiques a des répercussions : le changement de régime et de l’activité physique, voire l’essai d’un retour à l’ancien style de vie des « chasseurs‑cueilleurs », ne permettra peut‑être pas d’assurer le contrôle glycémique. Nous allons examiner de plus près les répercussions des tentatives visant à entraîner un changement du style de vie dans « l’exercice de réflexion nº 2 » ci-dessous.
Les autres théories touchant l’épidémiologie du diabète de type 2 s’appuient sur la prédisposition génétique. Amy était atteinte de diabète gestationnel, trouble également plus courant chez les femmes autochtones. Les experts ne sont toujours pas certains si le diabète gestationnel, et le faible poids à la naissance en tant que prédisposition au diabète, est un problème génétique, un problème lié à l’environnement ou un problème multifactoriel.
Si vous désirez obtenir davantage d’information sur les disparités socio-économiques, les inégalités des soins de santé et le diabète chez les Autochtones, lisez les articles suivants :
- « The embodiment of inequity: Health disparities in Aboriginal Canada » de N. Adelson.
- « Stress-coping among Aboriginal individuals with diabetes in an urban Canadian city: From woundedness to resilience » de Y. Iwasaki et J. Bartlett.
- « Native ethics and rules of behavior » de C. Brant.
- « Listening to native patients: Changes in physicians’ understanding and behaviour » de L. Kelly et J.B. Brown.
- « Patient and caregiver perspectives of health provision practices for First Nations and Métis women with gestational diabetes mellitus accessing care in Winnipeg, Manitoba” de H. Tait Neufeld.
- « Globalization, coca-colonization and the chronic disease epidemic: Can the Doomsday scenario be averted? » de P. Zimmet.
Exercice de réflexion nº 2
Médecine préventive et changement de comportement
Conseiller les patients au sujet du maintien de la santé et de la prévention des maladies est l’une des tâches les plus importantes de tout médecin, en particulier les médecins responsables des soins primaires.
[Traduction] « Les fournisseurs de soins primaires ont toujours essayé de persuader leurs patients de changer en s’appuyant sur “le pouvoir de l’information” (exposer des faits sur la santé et sur la maladie) de même que sur “le pouvoir de l’expert” (recourir à la crédibilité des professionnels, du moins implicitement, pour convaincre les patients de l’efficacité potentielle du changement de comportement prescrit). » (Elder, J.P., 1999). Ces tactiques échouent souvent, laissant le patient, et le médecin, frustrés et insatisfaits. Pourquoi?
C’est souvent parce que le médecin essaie d’en faire trop, trop vite. Il est inutile de submerger le patient d’information si le médecin ne prend pas d’abord le temps de se renseigner sur la vie du patient, ses valeurs et ses croyances. C’est ce qui est montré dans l’étude de cas, lorsque les médecins se réunissent pour essayer de s’attaquer au difficile problème du diabète chez les Autochtones. Le principe de la modification du comportement s’applique toutefois à tous les patients.
L’exercice s’accompagne de quatre extraits vidéo différents touchant la façon dont le médecin peut aborder la question de la modification du comportement avec un patient atteint de diabète.
Lisez d’abord l’article de Elder et coll.
Dans chaque extrait, la Dre Nyrit utilise un ou plusieurs des modèles de changement de comportement. Chaque option pourrait entraîner un changement de la perspective de Kathy au sujet de son diabète. Pendant que vous visionnez les extraits, réfléchissez aux aspects suivants :
- La quantité d’informations échangées.
- La qualité des informations échangées.
- La Dre Nyrit a‑t‑elle utilisé les approches du « pouvoir de l’information » ou du « pouvoir de l’expert » ou une autre approche?
Visionnez les quatre extraits. Choisissez l’extrait qui, à votre avis, est le plus approprié. Après avoir fait votre sélection, lisez le commentaire lié à change option.
Option nº 3
La Dre Nyrit revient dans la réserve, le mois suivant, et demande à voir Kathy.
« Ils m’ont montré des photos horribles, des gens qui avaient dû se faire couper les pieds et les jambes, des choses comme cela. Je n’en revenais vraiment pas! » (B. Roy et K. Fecteau, 2005)
Option nº 4
Kathy est la quatrième patiente chez qui on vient de diagnostiquer le diabète que la Dre Nyrit a examinée au cours du mois. Elle a entendu dire que la collectivité était importante pour la santé des patients autochtones. Elle décide donc de parler au chef de ses préoccupations.
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Commentaires
Commentaires sur l’option 1
Dans cette option, la Dre Nyrit essaie d’utiliser le modèle des Stades de changement, l’une des techniques de modification du comportement discuté par Elder. Ce modèle comporte plusieurs stades :
- Précontemplation
- Contemplation
- Préparation
- Action
- Maintien
Cela nous rappelle que les patients sont peu susceptibles de changer un comportement malsain s’ils n’y ont même pas pensé. Après tout, la mauvaise santé est un point de vue. Le patient doit sentir que le changement est non seulement une bonne idée pour lui, mais qu’il est possible de le faire. Dans ce scénario, Kathy semble réagir avec colère lorsque la Dre Nyrit suggère un changement de mode de vie. Selon vous, pourquoi cela se produit-il?
- Elle ne l’aime pas parce qu’elle est une « médecin blanche. »
- Elle a pensé à faire des changements, mais elle sait qu’ils sont impossibles à réaliser et cela la met en colère.
- Elle ne veut pas apporter de changements dans sa vie et s’indigne de l’ingérence de la Dre
- Elle pense que des changements n’auront pas d’incidence sur sa santé.
- L’ignorance de la Dre Nyrit envers sa situation l’aliène (« marcher dans la brousse, c’est trop loin! »).
- Kathy ne sait pas lire assez bien pour comprendre les brochures, et elle a honte de l’admettre.
- Comment la Dre Nyrit pourrait-elle identifier quels énoncés introduits ci-dessus sont présents dans la conversation?
- À votre avis, la Dre Nyrit devrait-elle reconnaître l’émotion de Kathy?
Consultez les Stades de changement pour obtenir de plus amples renseignements.
Cet article, intitulé « A critical examination of the application of the Transtheoretical Model’s stages of change to dietary behaviours », explique certaines des raisons pour lesquelles ce modèle, ou tout autre modèle, n’est pas aussi simple à utiliser qu’il peut sembler.
Commentaires sur l’option 2
Les gens qui nous entourent et qui comptent pour nous jouent un rôle important dans notre prise de décisions. La Dre Nyrit comprend cela et essaie d’obtenir l’aide d’Amy, qu’elle a hâte de donner. Cependant, le médecin révèle encore une fois son ignorance de la situation sociale et environnementale dans laquelle vit son patient. Sa réponse à l’information sur les obstacles au changement est : « Eh bien, nous allons devoir travailler là-dessus. » Elle aborde la situation du point de vue biomédical. Kathy et Amy voient cela comme « le fait d’être autochtone », et « les gens s’en vont et ne reviennent pas ». Amy reconnaît qu’elle n’a pas les compétences nécessaires pour cuisiner des repas appropriés, mais la Dre Nyrit est incapable de le reconnaître et de l’aider avec des suggestions réalistes. Amy souligne également l’importance de la communauté. Les gens vont parler si vous faites quelque chose d’inhabituel, comme marcher. Nous pourrions dire : « Et alors? » Mais dans une culture où la communauté, et non l’individu, est l’unité d’importance, c’est un obstacle important.
Par conséquent, bien qu’il soit crucial pour Kathy de recourir au soutien social, il est peu probable que la Dre Nyrit réussisse à aider Kathy et Amy à gérer son diabète dans cette option.
Commentaires sur l’option 3
Dans l’« exercice de réflexion n° 1 », nous avons observé qu’il faut du temps, de la patience et une compréhension de leurs valeurs culturelles pour communiquer avec les patients autochtones. Notez dans cette option la différence dans l’échange de renseignements. La Dre Nyrit parle plus lentement et pose des questions à Kathy sur sa langue, sa famille et sa communauté. Elle exprime un intérêt pour l’apprentissage de certains mots ojibwés, et Kathy répond dans sa langue maternelle (mais utilise en fait un terme péjoratif). Remarquez qu’elle n’est pas réticente à parler et qu’au cours de l’entrevue, elle interagit davantage avec la Dre Nyrit. C’est le début d’une alliance thérapeutique.
De quelle façon l’information circule-t-elle cette fois : du médecin au patient ou du patient au médecin? L’entrevue prend plus de temps, mais à la fin, Kathy semble prête à envisager à gérer son diabète, et la Dre Nyrit promet un suivi précis. Kathy reviendra-t-elle? Est-ce plus probable que dans les options 1 et 2? De plus, si une alliance thérapeutique a été formée, les stratégies utilisées dans les options 1 et 2 pourraient être plus efficaces.
Selon vous, quels modèles de modification du comportement sont appliqués dans cette option?
Parmi les huit facteurs personnels nécessaires à un changement de comportement, lesquels, le cas échéant, ont fait l’objet de discussions? (Voir Elder.)
Commentaires sur l’option 4
Dans cette option, la Dre Nyrit semble comprendre et tenter d’influencer les obstacles socioéconomiques et environnementaux à la promotion de la santé et à la prévention des maladies. Mais comprend-elle vraiment la situation dans la réserve? Est-ce que le changement du type d’aliments dans les magasins du Nord pose problème? Qu’en est-il de la construction d’une patinoire? Ce sont de bonnes idées, mais sont-elles réalistes?
Avec les meilleures intentions, elle utilise encore une fois la voix experte et clinique : « Les gens ne font pas de choix sains. » Le chef de bande répond par une déclaration sur l’exploitation forestière et la construction d’un magasin, qui ne semble pas être reliée à la question. Quel est l’argument du chef de bande et lequel d’entre eux connaît mieux les causes fondamentales de la mauvaise santé dans cette communauté?
Pour le chef, à qui on a demandé de venir au cabinet du médecin et qui s’est fait donner une leçon sur les problèmes dans sa réserve, cette option peut sembler être de l’arrogance médicale.
Enfin, comment la Dre Nyrit devrait-elle répondre à sa question sur Kathy, compte tenu de l’importance de la communauté dans cette culture?
Lisez cet article pour obtenir de plus amples renseignements sur les enjeux des politiques de santé liés aux changements de style de vie et au diabète. Bien qu’il soit rédigé du point de vue américain, il soulève certains des problèmes du système de santé en général qui peuvent avoir une incidence sur le comportement local et individuel.
Étude de cas (suite)
Kathy doit maintenant prendre des hypoglycémiants oraux, et les médecins comme la travailleuse en santé communautaire l’encouragent à suivre un régime et à faire un programme d’exercice. Elle aimerait trouver un emploi à l’école, mais on lui répond qu’il n’y a pas d’argent pour embaucher qui que ce soit. Amy a un emploi à temps partiel, et Kathy reste à la maison pour s’occuper des jeunes enfants. Elle réfléchit à sa situation.
Commentaires
Cette ouverture sur la perspective de Kathy à l’égard de son diabète soulève un certain nombre de points.
Connaissance du diabète
De toute évidence, Kathy sait qu’il est important pour elle de maintenir son taux de sucre à un niveau normal. Elle comprend le rôle des médicaments et la nécessité de les prendre régulièrement, même si elle n’observe aucun changement.
Modifications du style de vie
Kathy reconnaît l’importance d’un régime et de l’exercice dans le contrôle de son diabète, mais elle est également sensible aux obstacles qui surviennent si elle veut changer quelque chose dans sa vie. Elle ne contrôle pas le manque d’emploi et le coût des aliments. Ce peu de contrôle sur sa vie peut entraîner un sentiment de désespoir, même une dépression, un trouble plus souvent associé aux diabétiques qu’à la population générale.
Isolement social
Prendre les repas ensemble est une partie importante de la culture des Premières Nations. Kathy est isolée de ses frères et sœurs et de ses parents, à la maison, puisqu’elle a besoin d’un régime particulier. Elle ne peut pas en parler à ses amis, qui se moquent d’elle parce qu’elle est différente. Kathy pose une question importante : « Si nous en souffrons tous, pourquoi ne pouvons‑nous pas en parler? »
Médecine autochtone
Autrefois, le gouvernement du Canada prenait des mesures concertées pour empêcher le recours à la médecine traditionnelle et aux cérémonies de guérison par les patients autochtones. On a interdit les cérémonies de la suerie et d’autres cérémonies culturelles comme celles de la danse du soleil, du potlatch et de la tente branlante. Le gouvernement estimait que leur valeur médicale était négligeable et qu’il fallait effacer les aspects holistiques et spirituels de ces cérémonies pour faire place au christianisme.
De nombreux Autochtones ont perdu la trace de leur patrimoine culturel. Mais les aînés et d’autres responsables l’ont gardé vivant, de façon clandestine. Maintenant que le gouvernement du Canada reconnait l’autodétermination des Autochtones, ces aînés aident leurs semblables à rétablir ces pratiques. De nombreux patients autochtones, comme Kathy, s’appuient en même temps sur la médecine occidentale et la médecine traditionnelle, sans discrimination. Mais cela peut causer quelques problèmes.
- Après avoir pris connaissance des réflexions de Kathy, jetez de nouveau un œil sur « l’exercice de réflexion nº 2 ».
- Auriez‑vous choisi un autre mode d’action?
- Quel autre mode d’action auriez‑vous pu utiliser si vous aviez été à la place de la Dre Nyrit?