L’un des premiers cas dont je me souviens où un Autochtone était l’un de mes patients, heu, était celui d’une dame d’âge mûr, dans la soixantaine, à qui j’avais fait subir un test pour évaluer la teneur minérale de l’os dans le cadre de son examen physique. Elle était ostéoporotique. Donc, pour traiter l’ostéoporose, je lui avais d’abord prescrit du Didrocal, qui était couvert par la carte médicale. Elle l’a essayé, mais le médicament lui a donné énormément de maux d’estomac. À la visite de suivi, je lui ai prescrit autre chose. Je pense que c’était Phosomax.
Donc, je lui ai donné l’ordonnance et j’ai tendance généralement à prescrire un médicament pendant un an, car il faut un certain temps pour que le médicament agisse. Le pharmacien m’a téléphoné et m’a dit que le médicament n’était pas couvert et que je devais remplir un formulaire. Donc, je pensais que j’avais tout simplement oublié que, pour les prestataires du Programme de médicaments de l’Ontario, il faut remplir un formulaire quand il s’agit d’un médicament à usage limité. J’ai donc rempli le formulaire et je l’ai envoyé par télécopieur à la pharmacie, et c’est la dernière fois que j’en ai entendu parler. La patiente n’a pas communiqué avec moi. Il n’y a pas eu de suivi de la pharmacie.
Quand je l’ai revu de nouveau, essentiellement un an plus tard, je lui ai demandé si elle était satisfaite du médicament, parce que j’étais sur le point de faire un suivi pour évaluer la teneur minérale de l’os. Mais, en fait, je pense qu’il s’était écoulé plus d’un an. Et elle me dit : « Oh, je n’ai pas pris ce médicament après que je vous ai vu la dernière fois. » Et j’ai répondu : « Mais je vous ai donné l’ordonnance. » et elle me répond : « Oui, mais il n’était pas couvert. » et je lui ai dit : « J’ai rempli le formulaire pour un médicament à usage limité. » Je pouvais voir dans son dossier que je l’avais envoyé. Et elle me dit : « Mais je ne suis pas couverte par le programme d’assurance-médicaments de l’Ontario. Je suis une Indienne inscrite. » Donc, le médicament est couvert par un autre programme. »
Je devais remplir un formulaire complètement différent. La pharmacie ne me l’a pas dit. Je n’étais pas au courant. Donc, cette patiente qui n’a pas eu ses médicaments avait tout simplement présumé qu’encore une fois, elle ne recevrait pas ses médicaments, et avait tout simplement haussé les épaules et présumé qu’elle allait obtenir des soins de santé médiocres et avait accepté la situation.
Cela s’est produit parce que je ne savais pas de quel formulaire me servir ni comment m’y retrouver dans le système et parce que je n’avais pas compris que, parce qu’elle est une Indienne inscrite, ses médicaments ne sont pas couverts par la province mais plutôt par le gouvernement fédéral, par Santé Canada. C’est donc un système différent. Je n’étais pas au courant. Et à cause de cela, elle n’a pas eu les soins de santé qu’elle méritait.
Je ne pouvais pas comprendre pourquoi elle n’a pas communiqué de nouveau avec moi pour savoir pourquoi elle n’avait pas obtenu ses médicaments. Voici ce qu’elle m’a dit : « Eh bien, j’ai apporté l’ordonnance à la pharmacie. Le pharmacien m’a dit que vous n’aviez pas rempli le formulaire et qu’il allait vous contacter. Et quand je suis revenue, il m’a dit qu’il n’avait toujours pas obtenu votre permission, j’ai supposé que ça n’en valait pas la peine. »
Elle s’est donc résignée, et a accepté la situation. Et je vois parfois, dans ce groupe d’âge, ce genre de résignation, les gens qui se disent « Eh bien, quoi de neuf. » Ils se sont fait esquinter par le système et ils s’attendent à se faire esquinter par le système, et donc quand le système les laisse tomber, l’échec ne les surprend pas. Ce n’est pas de l’apathie, c’est plutôt de la résignation.